Publications - Highlights


La peinture a tempera sondée à l’échelle moléculaire

Contrairement à la peinture à l’huile qui l’a supplantée à partir du xve siècle, la peinture a tempera pratiquée sur panneaux de bois, parois murales ou toiles a été peu étudiée sur le plan physico-chimique. Cette technique picturale en vigueur depuis l’Antiquité est caractérisée par des pigments dispersés dans un mélange d’eau et de liant, le plus souvent du jaune d’œuf. Pour comprendre, à l’échelle moléculaire, les interactions qui gouvernent les propriétés macroscopiques, une équipe du CNRS, de Sorbonne Université et de l’ESPCI2 a reproduit des recettes du xve siècle décrites par le peintre toscan Cennino Cennini, à base de jaune d’œuf et d’un pigment argileux appelé terre verte. Ce mélange a été utilisé à grande échelle dans les œuvres du Moyen-âge, en sous-couche de dorures ou de zones de couleur chair. En mesurant les propriétés d’écoulement et en caractérisant l’organisation moléculaire, l’équipe a montré que c’est la formation d’un réseau entre les protéines du jaune d’œuf, les molécules d’eau et les particules argileuses du pigment qui rend le mélange plus viscoélastique. Grâce à cette synergie entre le jaune d’œuf et le pigment, les propriétés d’étalement et le pouvoir couvrant de la peinture sont augmentés du fait d’une meilleure cohesion interne des pigments en présence du liant. Cette étude à la frontière de la science des matériaux et de l'histoire de l'art, publiée le 24 novembre 2021 dans la revue Angewandte Chemie, contribue à une meilleure connaissance des matériaux choisis par les peintres, avec en perspective une amélioration de la conservation et de la restauration des œuvres réalisées avec ces techniques. Ce projet a reçu le soutien de l'Observatoire des patrimoines de Sorbonne Université.

Fanost, A.; de Viguerie, L.; Ducouret, G.; Mériguet, G.; Walter, P.; Glanville, H.; Rollet, A.-L.; Jaber, M. Connecting Rheological Properties and Molecular Dynamics of Egg-Tempera Paints Based on Egg Yolk. Angewandte Chemie International Edition 2022, 61 (1), e202112108. https://doi.org/10.1002/anie.202112108.


Un indice de plus pour comprendre l’origine de la vie : la mordenite

Un indice de plus pour comprendre l’origine de la vie : la mordenite.
En ajoutant du ribose, du phosphate et de l’adénine à la surface du matériau, il a été possible de former, pour la première fois en condition prébiotique, des molécules briques élémentaires de l’ARN : les adénosines monophosphate, di-phosphate et triphosphate. La formation des deux dernières, hautement énergétiques, est inédite sans la présence d’activateurs. De plus, l’étude montre que ces adénosines ne se contentent pas de rester à la surface du matériau mais s’infiltrent dans toute la porosité : le matériau joue donc le rôle de nanoréacteur permettant à la fois de protéger les molécules et d’initier leur polymérisation par une catalyse sans activateur chimique.
Ce résultat exceptionnel montre donc pour la première fois la formation de ces adénosines dans des conditions géochimiques compatibles avec une Terre primitive, ce qui ouvre la voie à une formation abiotique d’ARN.

Rodrigues, F.; Georgelin, T.; Gaban, G.; Rigaud, B.; Gaslain, F.; Zhuang, G.; da Fonseca, M. G.; Valtchev, V.; Touboul, D.; Jaber, M. Confinement and Time Immemorial: Prebiotic Synthesis of Nucleotides on a Porous Mineral Nanoreactor. J. Phys. Chem. Lett. 2019, 10 (15), 4192–4196. https://doi.org/10.1021/acs.jpclett.9b01448.


Un nouveau pigment inspiré par archéomimétisme

La notion d’archéo-mimétisme est ainsi développée au Laboratoire d’archéologie moléculaire et structurale (LAMS, CNRS/ Sorbonne Université) : elle consiste à étudier des matériaux anciens pour dévoiler leurs secrets d’un point de vue physico-chimique, et de créer de nouveaux pigments aux propriétés améliorées. Par exemple, les Maya savaient déjà au VIIIème siècle préparer des pigments stables résistants à la lumière et aux solvants, grâce au confinement de l’indigo (colorant organique) dans les canaux de la palygorskite (argile). Cependant, en fonction de la nature du minéral et de la taille des particules du colorant, cette procédure ne peut pas toujours être appliquée.
En se basant sur cette approche archéo-mimétique, les scientifiques du LAMS ont élaboré, en collaboration avec l’université de Beijing et de l’université de Paraiba, des pigments hybrides à base d’une argile tubulaire et d’un pigment végétal. Un enrobage de la surface de ce mélange par des produits de synthèse dérivant du silicium (organosilanes) ne modifie pas la couleur mais aboutit à une hydrophobisation complète du matériau hybride : celle-ci empêche toute interaction avec le matériau et permet de lui assurer une photo-stabilité chimique et thermique. La compréhension approfondie, au niveau moléculaire, de l’origine de cette stabilité permet d’envisager la généralisation de ce procédé à toutes les couleurs issues des colorants organiques, naturels ou synthétiques.

Zhuang, G.; Jaber, M.; Rodrigues, F.; Rigaud, B.; Walter, P.; Zhang, Z. A New Durable Pigment with Hydrophobic Surface Based on Natural Nanotubes and Indigo: Interactions and Stability. J. Colloid Interface Sci. 2019, 552, 204–217.
https://doi.org/10.1016/j.jcis.2019.04.072
.


Peindre vite et bien : les secrets des innovations du 19e siècle

Afin de pouvoir peindre vite avec des effets de texture et de volume exceptionnels, J. M. William Turner et d’autres artistes anglais de sa génération ont bénéficié de la mise au point de gels innovants. Ajoutées à la peinture à l’huile, ces matières, très en vogue au XIXe siècle et encore utilisées aujourd’hui, modifient les propriétés de la peinture. Des chercheurs du CNRS, de l’UPMC et du Collège de France ont, pour la première fois, révélé les secrets chimiques de ces mélanges. Le plomb ici sous forme d’acétate est l’un des ingrédients indispensables à la formation de ces gels.

de Viguerie, L.; Jaber, M.; Pasco, H.; Lalevee, J.; Morlet-Savary, F.; Ducouret, G.; Rigaud, B.; Pouget, T.; Sanchez, C.; Walter, P. A 19th Century “Ideal” Oil Paint Medium: A Complex Hybrid Organic-Inorganic Gel. Angewandte Chemie International Edition 2017, 56 (6), 1619–1623. https://doi.org/10.1002/anie.201611136.


Un nouveau pas sur le chemin des origines de la vie

(http://www.cnrs.fr/inc/communication/direct_labos/georgelin.htm) :
Une grande partie des travaux sur les origines de la vie se concentre sur les premières traces de vie bactérienne, avec pour objectif de découvrir comment s’est formé le plus vieil ancêtre commun : un organisme dont sont issues l’ensemble des espèces vivant sur terre. Des chercheurs du Laboratoire de réactivité de surface (CNRS/Sorbonne Universités), du Laboratoire d’archéologie moléculaire et structurale (CNRS/Sorbonne Universités), et de L’Institut de systématique, évolution, biodiversité (CNRS/MNHN/Sorbonne Universités), sont parvenus à synthétiser des molécules précurseurs de l’ARN, molécule biologique présente chez tous les êtres vivants, dans un système reproduisant l’environnement géochimique de la terre primitive.

Akouche, M.; Jaber, M.; Maurel, M.-C.; Lambert, J.-F.; Georgelin, T. Phosphoribosyl Pyrophosphate: A Molecular Vestige of the Origin of Life on Minerals. Angewandte Chemie International Edition 2017, 56 (27), 7920–7923. https://doi.org/10.1002/anie.201702633.


Share by: